Vendanger avec moins de douleurs, c'est possible ?

21 septembre 2023 à 9h31 par Alex S.

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Chaque année, de nombreux viticulteurs sont confrontés à la même problématique : trouver des vendangeurs. Entre rémunérations parfois jugées trop faibles, et la pénibilité du travail, certains travailleurs préfèrent bouder les vendanges. En Champagne, des viticulteurs tentent de rendre la tâche moins désagréable pour leurs équipes.

Courbés, accroupis, sur les genoux… tous les ans à la même période, les vendangeurs mettent leur corps à rude épreuve durant plusieurs jours pour récolter d'innombrables grappes de raisins.
Pour tenter de rendre la saison des vendanges moins usante pour les travailleurs, certains vignerons et viticulteurs font appel à des professionnels de santé pour chouchouter leurs équipes.

Kinésithérapeute de l’équipe de France de football durant 11 années, le Marnais Christophe Geoffroy prodigue ses conseils dans les vignes, mais pas que… Nous avons passé une journée à ses côtés en pleine période de vendanges.

Zéro TMS

Pour aiguiller les vendangeurs, Christophe Geoffroy s’appuie sur la méthode Zéro TMS (Troubles Musculo-Squelettiques). Le kiné enseigne, entre autres, 4 positions du corps qui permettent de maintenir les courbures de la colonne vertébrale. Lorsqu'ils sont appliqués dans les vignes, ces différents positionnements contribuent à limiter l’apparition de troubles musculo-squelettiques (douleurs au dos, aux membres supérieurs…)


«Ces positions je les appelle les 4F : fente, fesses en arrière, faire balancier, et flexion des genoux. Et pour y parvenir facilement il suffit de travailler avec les jambes écartées. Jamais les pieds serrés. Par exemple plutôt que de courber le dos en ayant les pieds joints pour couper une grappe, il vaut mieux écarter les pieds et faire travailler un peu les cuisses et les genoux : fléchir ces derniers, ou bien amener les fesses vers l'arrière».

4F CG

"L'important c'est aussi de varier les positions, d'alterner, précise Christophe Geoffroy. J'aime dire qu'il faut distribuer le travail : utiliser une position qui sollicite les lombaires et les ischios, ensuite une autre qui fait travailler le devant des cuissses (quadriceps) etc."

À la vue de ces 4F, les amateurs de musculation reconnaitront sûrement des postures familieres. "C'est ce que j'appelle des positions fonctionnelles... le squat, le soulevé de terre, la fente. Il faut s'inspirer de ces mouvements globaux utilisés en musculation et qu'on devrait tous appliquer dans la vie de tous les jours. On devrait apprendre ça à l'école."

4F muscu CG

Ce mercredi 13 septembre, Christophe Geoffroy dévoile ses conseils aux vendangeurs recrutés par la maison Tange-Gérard, basée à Soulières (51), mais le kiné apporte aussi son expertise à ceux qui travaillent toute l'année dans les vignes. Alain Gérard et Solveig Tange, gérants de l'entreprise, et deux de leurs salariés, ont d'ailleurs suivi une formation dispensée sur plusieurs mois par Christophe Geoffroy. 

"Sur les dernières années beaucoup de viticulteurs ont donné une priorité à l'amélioration du matériel pour de meilleures conditions de travail des salariés, décrypte Christophe. Et maintenant certains s'intéressent directement à l'humain et son corps."

Durant notre journée aux côtés de Christophe Geoffroy, nous rencontrons l'une de ses consoeurs, Cécile Lobjois. Basée à Ay-Champagne (51), la kinésithérapeute constate une évolution dans l'importance donnée par les entreprises à la santé des travailleurs. "Je crois qu'il y a un gros virage qui s'opère la-dessus en ce moment, la société évolue. Notamment dans la viticulture ou l'agriculture, on a conscience que les gens ont beaucoup forcé sur leur corps".

A l'instar de Christophe Geoffroy, Cécile Lobjois a également dispensé la formation Zéro TMS à de nombreux viticulteurs. Retrouvez son interview ici : 

En cuisine

Durant les vendanges, il n'y a pas que les vendangeurs qui sont sur le pont. Dans la cuisine de la maison Tange-Gérard, Annie s'active également. C'est elle qui a la mission de nourrir chaque jour les travailleurs qui ont souvent besoin de reprendre des forces : "Ils ont un bon coup de fourchette les petits jeunes, admet la cuisinière."

En cuisine, comme dans les vignes, Christophe Geoffroy est aux petits soins. L'ancien kiné des Bleus conseille Annie : "Là ce n'est pas bon. Vous épluchez les légumes debout devant la table qui est trop basse et vous courbez le dos... Il vaut mieux s'asseoir ou bien se mettre devant le plan de travail qui est plus haut si vous souhaitez rester debout."  
L'évier, le four, la gazinière... Christophe passe en revue toutes les positions et les gestes à adopter, et surtout ceux à éviter. "Ce que j'ai expliqué dans les vignes s'applique aussi ici, détaille le kinésithérapeute. Que vous portiez un seau rempli de raisins ou un plat bien chargé il y a des zones du corps à respecter !" 

 

Christophe Geoffroy cuisine
Au pressoir

Durant les vendanges, il n' y a pas que dans les vignes que les travailleurs s'activent. Au pressoir aussi l'activité physique est grande. À Avize (51), Christophe Geoffroy rend visite aux équipes du Champagne Agrapart, une autre maison ayant suivi la formation dispensée par le kiné marnais. 

Autour du pressoir, fourche en main, les vendangeurs s'appliquent à retourner le raisin tout en étant vigilant quant à leur dos. Des bons élèves que Christophe Geoffroy prend plaisir à regarder travailler : "Ils ont différentes techniques mais ils se placent bien."  
Soucieux de ne pas se blesser, Charly s'est même preparé physiquement avant le coup d'envoi des vendanges : "3 semaines avant je me prépare, explique le marnais. J'ai fait des séances de gainage et des exercices de tirage pour le dos." 

Au centre de pressurage

Deux salles, deux ambiances. Après notre visite au pressoir traditionnel, nous terminons notre immersion au centre de pressurage La Vigneronne situé à Vertus (51).

Là-bas, Christophe Geoffroy n'a pas à faire appel à son savoir puisque ce sont essentiellement les machines qui font les efforts à la place des humains.

La Vigneronne Vertus

Chariot élévateur, robot automatisé... tout est fait pour limiter la pénibilité du travail pour les équipes. De quoi travailler sans risque (ou presque) de douleurs ou de gênes dans le corps.
Et en cas de panne des machines ? Les Hommes prennent le relais, "une partie de l'équipe a été formée aux bons gestes, donc en principe ils devraient avoir les bons réflexes si une panne devait arriver".