Les urgences au bord de la crise de nerfs

3 juillet 2019 à 10h31 par Emmanuel POLI

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Une infirmière des urgences du CHU de Reims nous dévoile son quotidien

Les services d'urgences hospitalières ont enregistré un nouveau record de fréquentation en 2017, avec 21,4 millions de passages.

A l'inverse jamais la baisse du nombre de lits d'hospitalisation n'avait été aussi important.

La grogne des personnesl hospitaliers gagne du terrain aux urgences.

De plus en plus de services rejoignent le mouvement de grève entamé pour obtenir plus de moyens humains et matériels.

C’est le cas d’une partie des personnels urgentistes du CHU de Reims.

Mathilde (*) est infirmière dans ce service.

La jeune femme a accepté de nous raconter son quotidien.

Jour comme nuit, le service ne désemplit pas

Elle décrit tout d’abord des couloirs envahis par les brancards, alignés les uns à côté des autres.

Sur ces lits de « fortune », des patients de plus en plus âgés.

« Il n’est pas rare de croiser des personnes de 90 voire 100 ans ».

Les urgences débordent, alors que certaines consultations relèvent plutôt de la simple « bobologie ».

Et puis, il y a les patients qui n’ont pas envie d’attendre.

« Quand votre généraliste vous dit qu’il faut faire un scanner, cela ne nécessite pas forcément d’aller aux urgences ».

Les patients n'hésitent d’ailleurs pas à reconnaître que c'est en partie de leur faute.

En effet, un tiers des Français est déjà allé aux urgences parce que c'était plus facile que de trouver un médecin ou parce que cela leur permettait de ne pas avancer les frais médicaux.

Les habitudes de fréquentation aussi ont changé.

« Il y a encore quelques années, les urgences après minuit c’était très calme, maintenant on reçoit autant de monde la nuit que le jour. Et ce sont souvent des patients plus difficiles, surtout à partir du jeudi avec les soirées étudiantes notamment, où l’alcool coule à flot ».

Pas assez nombreux et pas assez équipés

En sous-effectif et sans moyens suffisants, difficile de faire face à cette recrudescence.

Alors les délais d’attente s’allongent, l’impatience gagne et la colère monte.

Résultats, des insultes au quotidien voire des agressions physiques, pas spécialement des patients eux-mêmes d’ailleurs mais plutôt de leur entourage.

Mais au-delà de ces agressions, qui peuvent devenir physiques parfois, les personnels des urgences ont la terrible impression de mal faire leur travail.

Mathilde parle même de la sensation de « pratiquer des maltraitances ».

Malgré tout, la jeune femme garde le sourire et s’appuie sur le reste de l’équipe : « Ce qui tient les services, c’est la cohésion et le fait de travailler pour les mêmes valeurs, pour l’homme. Si on vient à reculons, ça devient très compliqué pour les patients ».

C’est pour eux cela qu’elle a décidé de porter un brassard rouge avec le mot grève pendant son service, même s’il a conscience que cela ne suffira pas à faire bouger les choses.

Heureusement, elle peut compter sur le soutien des patients et de leurs proches.

« Ils ont conscience de nos difficultés et du manque de reconnaissance. Ils sont d’ailleurs nombreux à nous demander s’il existe une pétition de soutien à notre action ».

(*) le prénom a été changé